50 ans du Grand Prix du Canada : le deuil… et la continuité

50 ans du Grand Prix du Canada : le deuil… et la continuité (1982-1995)

La saison 1982 est porteuse d’espoir pour Gilles Villeneuve : la Ferrari 126 C2 est une voiture bien née et le pilote québécois ne vise rien de moins que le titre. Le destin en décide autrement : Villeneuve trouve la mort pendant les qualifications du Grand Prix de Belgique, 5e épreuve de la saison. Le chroniqueur automobile Philippe Laguë raconte cette période qu’on pourrait appeler « l’entre-deux Villeneuve », de la mort de Gilles à l’arrivée de son fils Jacques.

En 1982, le circuit de l’île Notre-Dame est rebaptisé Circuit Gilles-Villeneuve quelques semaines après la mort tragique du pilote de Berthierville. Pour la première fois, la course a lieu à la mi-saison, en juin, afin que les spectateurs n’aient plus à subir la température froide des automnes québécois. À peine un mois après le terrible accident de Villeneuve à Zolder, la tragédie frappe de nouveau la F1 à Montréal et ce, dès le départ de la course : l’Osella de Ricardo Paletti s’encastre dans la Ferrari de Didier Pironi, immobilisée sur la grille du départ. Parti loin derrière, le pilote italien, en pleine accélération, ne peut éviter la Ferrari et meurt sur le coup.

Accident de Ricardo Paletti

Le Brésilien Nelson Piquet, sur Brabham, remporte cette course doublement endeuillée. Malgré la température estivale, l’atmosphère est lugubre au circuit Gilles-Villeneuve et les célébrations d’après-course se déroulent dans la plus grande sobriété. Cette course est décidément maudite : Piquet a subi un véritable martyr dans sa voiture, une fuite d’huile brûlant ses pieds pendant 60 tours… Une année à oublier.

René Arnoux

La victoire, l’année suivante, de René Arnoux est un baume pour les fans québécois de F1. Le Français a gagné leur admiration lors de son légendaire duel avec Gilles Villeneuve, en 1979, au Grand Prix de France. De plus, il pilote maintenant chez Ferrari. Il est d’ailleurs très ému de remporter cette course sur le circuit portant le nom d’un pilote pour lequel il garde un immense respect. Le coéquipier d’Arnoux, Patrick Tambay, qui porte fièrement le numéro 27 de Gilles, lui fait honneur en montant sur la troisième marche du podium.

Nelson Piquet remporte le Grand Prix du Canada pour la 2e fois en 1984. L’année suivante, Ferrari réalise un doublé, au grand plaisir des nombreux fans montréalais de la Scuderia, l’Italien Michele Alboreto l’emportant devant le Suédois Stefan Johanssen. En 1986, l’écurie Williams remporte le Grand Prix du Canada pour la 3e fois, grâce cette fois au Britannique Nigel Mansell.

Ayrton Senna

Pour la deuxième fois, l’épreuve canadienne est annulée en 1987. Cette fois, ce n’est pas la sécurité du circuit qui est en cause mais une bataille juridico-commerciale entre commanditaires. L’interruption ne dure qu’une année et les F1 reviennent en 1988. Cette saison-là, l’écurie McLaren survole la concurrence en remportant 15 des 16 courses. À Montréal, c’est le Brésilien Ayrton Senna qui triomphe. Il semble parti pour récidiver l’année suivante mais une défaillance mécanique de sa McLaren permet au Belge Thierry Boutsen de gagner sa première course en F1. C’est une quatrième victoire en 10 ans pour l’écurie Williams au Circuit Gilles-Villeneuve.

Nelson Piquet

Senna récupère son dû en 1990 : c’est une deuxième victoire pour lui et pour McLaren à Montréal. En 1991, la Williams est la voiture à battre mais contre toute attente, c’est Nelson Piquet, sur Benetton, qui croise le premier la ligne d’arrivée, après une bourde mémorable de Nigel Mansell. Celui-ci perd la victoire dans le dernier tour, après avoir coupé accidentellement le moteur de sa voiture en levant le bras pour saluer la foule… Dans la salle de presse, Nelson Piquet, vainqueur in extremis du Grand Prix a cette réponse suave à un journaliste qui lui demande comment il a réagi en voyant la Williams de Mansell s’immobiliser : « I came in my shorts! » Traduction : j’ai éjaculé dans mes sous-vêtements. Inoubliable. (Il faut aussi préciser que Piquet détestait Mansell à s’en confesser…)

Ayrton Senna & Nigel Mansell

Nouvelle bourde de Mansell (décidément!) en 1992 : alors qu’Ayrton Senna et lui se disputent la première place, les deux voitures s’accrochent et le Britannique – qui blâme le Brésilien – doit abandonner. Cet incident profite au coéquipier de Senna, l’Autrichien Gerhard Berger, qui gagne la course. Nouvelle victoire pour l’écurie Williams à Montréal en 1993, aux mains cette fois d’Alain Prost, en route vers son 5e (et dernier) titre de champion du monde. Une page se tourne, et un nouveau chapitre commence en 1994, avec la première des sept victoires de Michael Schumacher au Grand Prix du Canada – un record qui tient toujours.

Jean Alesi & Michael Schumacher

Les fans québécois sont ravis de voir une Ferrari arborant le numéro 27 remporter la course en 1995 : le Français Jean Alesi, un des chouchous du public montréalais, gagne son premier Grand Prix. Ce sera d’ailleurs sa seule victoire en F1.

On aurait pu craindre que les Québécois se désintéressent de la F1 après la mort de Gilles Villeneuve; les années suivantes prouvent, au contraire, que la graine qu’il a semée continue de pousser. Le Grand Prix continue d’attirer plus de 100 000 spectateurs, bon an, mal an.

Mais le meilleur reste encore à venir…

1982

1985

1989

1991

1995