Essai routier : BMW i8 2017

Essai routier : BMW i8 2017

Par Philippe Laguë
(Photos : François Prud’Homme)

Le plaisir croît avec l’usage

Il y a des privilèges à exercer le métier de chroniqueur automobile et il est important de savoir les apprécier. En ce qui me concerne, je suis loin d’être blasé et il m’arrive encore de vivre de grandes émotions. Ce fut le cas à plusieurs reprises cette année et j’ai vécu l’une des plus belles expériences de ma carrière récemment, dans une BMW. Remarquez, ce n’est pas la première fois : je conserve un souvenir impérissable de la Z8, il y a une quinzaine d’années.

Ce n’est pas non plus une des versions M qui m’a jeté par terre, mais une i – plus précisément, l’i8, une sportive hybride rechargeable. La BMW i8 a d’abord été présentée sous la forme d’un prototype (Vision Efficient Dynamics) au Salon de Francfort en 2009 et elle est commercialisée depuis 2013.

La BMW i8 ait partie, avec l’i3, de la nouvelle gamme de véhicules hybrides et électriques de BMW, à laquelle devrait s’ajouter la berline i5 en 2019.

Carrosserie et habitacle

Il faut le dire, avant de m’installer dans la voiture, il a fallu que je ramasse ma mâchoire, tombée par terre en regardant le bolide. Je trouvais déjà l’i8 magnifique; je l’avais déjà vue dans des salons de l’auto mais c’est un environnement qui met les voitures en valeur. Mais là, dans la cour d’un concessionnaire, par une journée d’automne grise, venteuse et froide, elle m’a fait autant d’effet.

Et je ne suis pas le seul, si j’en juge par les réactions que j’ai pu observer pendant ma semaine d’essai. La BMW i8 est un objet roulant qui cause des torticolis. Dire qu’elle est spectaculaire, c’est l’euphémisme de l’année!

C’est en m’installant à l’intérieur que j’ai déchanté… Les portes en élytre sont invitantes, les sièges aussi, mais ça demande quelques contorsions. Pour entrer, passe encore : on développe rapidement une technique - plutôt simple - qui consiste à se laisser glisser. Le vrai problème, c’est de s’en extirper!

Si vous êtes un gymnaste ou un athlète, ça ira; sinon, il faut vraiment être souple! Le problème, c’est le seuil du bas de l’ouverture de la porte qui est trop élevé (vous pouvez clairement le voir en regardant les photos). On est assis plus bas que le seuil de porte et il faut donc l’enjamber pour s’extraire de la voiture.

Pour un quinquagénaire moyen comme moi (gabarit moyen et forme physique tout aussi moyenne), ce n’est pas simple. Or, le problème, c’est que je représente la clientèle-cible! La BMW i8 coûte plus de 150 000 $, dois-je le préciser. Elle ne s’adresse donc pas aux jeunes. Et s’ils ont ciblé les gymnastes, ça restreint encore plus le bassin d’acheteurs…

Une fois qu’on a réussi à s’installer, il y a un autre irritant : le rangement. Ou plutôt, l’absence de... En fait, ça se résume au coffre à gants et à un mini-coffre dans la console. Le moteur, lui, est placé en position centrale arrière, ce qui laisse très peu de place pour les bagages. Heureusement, les places arrière peuvent dépanner - à condition d’être deux, évidemment! De toute façon, vous ne pouvez pas asseoir d’adultes à l’arrière, l’espace est trop restreint.

La première impression, quand on embarque dans une i8, c’est qu’il s’agit d’un prototype - d’un concept car, comme on dit à Paris. Quand on les examine dans des salons de l’auto, on voit, la plupart du temps, qu’ils ne sont pas prêts à aller en production : ce sont souvent des exercices de style et le côté pratique n’est pas la priorité – quand il n’est pas complètement évacué! C’est exactement l’impression que j’ai eu en m’installant à bord de l’i8.

Voilà pour le pot. Les fleurs, maintenant, parce que l’intérieur n’a pas que des défauts.

Premièrement, j’ai adoré la présentation intérieure, avec la couleur bleue qui revient partout : dans les portes, au centre des sièges, sur le tableau de bord… Le soir, on a franchement l’impression d’être dans une des voitures de Blade Runner! Avec l’éclairage bleuté, l’effet est spectaculaire – un mot qui revient souvent quand on parle de l’i8.

Vous ne serez pas dépaysé pour autant, surtout si vous êtes familier avec l’habitacle d’une BMW. Les cadrans, les contrôles, sont identiques aux autres modèles de la gamme. Les sièges sont tout simplement parfaits et la position de conduite, impeccable : des journées complètes derrière le volant l’ont confirmé.

Je salue aussi l’amélioration du système i-Drive, qui m’a semblé beaucoup plus convivial qu’avant. Est-ce parce qu’on en a fait des pires depuis? En tout cas, je l’ai rapidement apprivoisé. Et je préfère, de loin, l’utilisation d’une mollette à un écran tactile, beaucoup plus distrayant (et dangereux).

Je termine avec la qualité d’assemblage, qui est conforme à celle d’une voiture de plus de 150 000 $.

Mécanique

Le moteur, on l’a dit, est placé en position centrale arrière. C’est le 3-cylindres 1,5 litre de la MINI Cooper, dont la puissance a été portée à 228 chevaux grâce à deux turbocompresseurs. Il est couplé à un moteur électrique, placé à l’avant du véhicule, qui ajoute l’équivalent de 129 chevaux supplémentaires, pour une puissance combinée de 357 chevaux.

Dans l’univers des sportives, ce ne sont pas des chiffres si impressionnants mais il convient aussi de relativiser : l’i8 bénéficie grandement de sa légèreté, d’une part; et d’autre part, le couple de cette motorisation hybride est non seulement généreux mais disponible immédiatement. BMW promet une augmentation de la puissance, qui dépasserait 400 chevaux, au cours de la prochaine année.

L’architecture d’une i8 est celle d’une propulsion, avec son moteur et ses roues motrices à l’arrière; mais elle devient une traction si on roule seulement avec le moteur électrique qui, lui, transmet sa puissance aux roues avant. L’autonomie en mode 100% électrique (eDrive) est restreinte : seulement 20 kilomètres. Mais une fois que cette batterie est vide, on peut la recharger assez rapidement en roulant en mode Sport. Sinon, quand vous roulez en mode Confort ou Eco Pro, vous conduisez un véhicule hybride avec de la traction aux quatre roues.

Pendant ma semaine d’essai, j’ai obtenu une consommation moyenne de 7 litres au 100 kilomètres. Ce qui a fait beaucoup de bien à mon portefeuille parce que conduire des voitures de prestige, c’est fort agréable mais ça défonce souvent l’enveloppe budgétaire allouée au carburant.

Sur la route

Le nerf de la guerre, pour une voiture sport, c’est le poids. Or, c’est souvent le handicap des voitures hybrides. Mais pas l’i8 : BMW a réussi un tour de force grâce à l’utilisation de matériaux légers, aluminium et fibre de carbone.

Ces mêmes matériaux ont aussi l’avantage d’être ultra-rigides, ce qui fait qu’on l’impression de conduire une voiture construite toute d’un bloc. Certes, c’est souvent le cas avec les allemandes; mais la BMW i8 est tellement plus légère que les obèses GT germaniques!

La direction mérite elle aussi une note parfaite. Enfin, presque : on l’aimerait plus sensible, plus communicative. Pour le reste, on est au même niveau que Porsche ou Ferrari : du gros calibre. Le dosage est parfait et sa précision chirurgicale permet d’exploiter, que dis-je, de savourer la légèreté et la rigidité de la caisse. Disons-le clairement, franchement et simplement : j’ai adoré conduire cette voiture.

J’en ai aussi profité au maximum, ce qui implique beaucoup de kilométrage. J’ai donc été en mesure d’apprécier pleinement le confort de roulement : même après un trajet de quelques heures, on en débarque frais comme une rose. J’aime aussi conduire des voitures hybrides parce que leur confort et leur silence me rendent zen. La BMW est une sportive zen.

Les seuls bémols concernent les pneus à faible friction et le freinage régénératif qui pénalisent la conduite sportive. Mais entre vous et moi, ça fait vraiment une différence si vous êtes un pilote de haut niveau et si vous allez sur un circuit… Or, ce n’est pas, non plus, la vocation de la BMW i8, qu’on peut plutôt décrire comme une GT hybride.

Conclusion

Mon premier contact avec la i8 m’a donc un peu refroidi. Par contre, il y a vraiment eu un revirement de situation : le plaisir croît avec l’usage et la séparation a été douloureuse quand je l’ai rapportée chez le concessionnaire.

Si je pouvais me payer une folie dans les six chiffres, elle ferait partie de ma liste parce qu’elle a tout ce que j’aime d’une GT : le style, la grâce, la rapidité, le confort… Et si vous avez la fibre du collectionneur, la BMW i8 constitue également un bon placement, en raison de sa rareté – il s’en vend très peu et les délais d’attente sont longs – et de sa valeur historique : il s’agit de la première sportive hybride commercialisée par la marque bavaroise, ce qui l’assure de passer à la postérité.

Fiche technique BMW i8 2017

Moteur : 3-cyl 1,5 litre biturbo + moteur électrique
Puissance combinée : 357 ch
Couple : 420 lb-pi
0-100 km/h : 4 secondes
Vitesse maximale : 275 km/h (données constructeur)
Prix du véhicule d’essai : 169 000 $