50 ans du Grand Prix du Canada : les années Gilles

50 ans du Grand Prix du Canada : les années Gilles (1978-1981)

Après Mont-Tremblant, c’est au tour du circuit de Mosport d’être abandonné par la F1, pour des raisons de sécurité. Le Grand Prix du Canada revient au Québec, à Montréal cette fois. Un déménagement qui coïncide avec la première saison de Gilles Villeneuve en F1. Le chroniqueur automobile Philippe Laguë revient sur cette période-charnière du sport automobile canadien.

1978 est une année historique pour la Formule 1 au Canada. Pour la première fois, un pilote d’ici, Gilles Villeneuve, va disputer une saison complète dans la catégorie-reine du sport automobile. Avant lui, des Canadiens ont couru épisodiquement en F1, essentiellement dans les épreuves nord-américaines (GP des États-Unis et du Canada) - le plus assidu étant George Eaton, héritier de la famille propriétaire des grands magasins du même nom, qui prend part à 13 Grands Prix entre 1969 et 1971, avec la défunte écurie BRM.

Encore une fois, les planètes sont parfaitement alignées : au moment où Villeneuve débute en F1, le circuit de Mosport est de nouveau la cible de critiques au chapitre de la sécurité. Dès décembre 1977, il est question de déménager le Grand Prix à Montréal, car le circuit du Mont-Tremblant n’est pas conforme, lui non plus, aux normes de sécurité. Il faut donc construire une piste, mais où? Une solution apparaît rapidement : l’île Notre-Dame, transformée en parc quelques années après l’Exposition universelle de 1967. Le circuit est construit en un temps record : les travaux débutent le 20 juin 1978 et sont complétés en moins de trois mois.

Cette même année, grâce à Gilles Villeneuve, le Québec tout entier découvre la Formule 1. Qui plus est, le pilote de Berthierville pilote pour l’une des meilleures équipes (championne du monde en 1975 et 1977) et la plus prestigieuse : la Scuderia Ferrari.

Le 8 octobre 1978, jour de la course, le ciel est gris et menaçant. Toutefois, ce n’est pas de la pluie qui tombe mais de la neige… Oh, pas beaucoup : quelques flocons épars. Si vous êtes sceptiques, demandez à n’importe quelle personne qui était présente à l’île Notre-Dame ce jour-là…

Détenteur de la pole position, le Français Jean-Pierre Jarier, dit « Godasse de plomb », survole la course au volant de l’imbattable Lotus 79 à effet de sol. Contrairement à son habitude, Gilles Villeneuve roule bien sagement derrière, soucieux de monter sur le podium pour cette première course « à domicile ». De toute façon, la Lotus noire et or est hors de portée… jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Pour de bon. La poisse légendaire du pilote français, combinée à la fiabilité aléatoire des Lotus, font en sorte que le pilote de Berthierville se retrouve en tête de la course. Dès l’annonce, sur les haut-parleurs du circuit, de l’abandon de Jarier, les dizaines de milliers de spectateurs grelottants oublient le froid! Le reste, comme on dit, appartient à l’Histoire : Gilles Villeneuve gagne la course et il devient le premier Canadien à gagner un Grand Prix de F1.

L’année suivante, tous les espoirs sont permis. La Ferrari 312 T4 est l’une des meilleures du plateau : elle vient d’ailleurs tout juste de donner le titre de champion à Jody Scheckter, le coéquipier de Gilles. Pendant la saison, les Williams ont cependant progressé, pour se hisser, puis dépasser, les Ferrari dans le dernier droit. Encore une fois, Gilles Villeneuve assure le spectacle, en luttant comme un diable avec Alan Jones jusqu’à la fin. Mais l’Australien est lui aussi réputé pour sa pugnacité : la bagarre dure jusqu’au dernier tour, Jones l’emportant finalement devant Villeneuve.

En 1980, le week-end du Grand Prix débute plutôt mal pour le héros local. Ferrari a complètement raté la 312 T5, qui n’a pas suffisamment évolué. Villeneuve se qualifie, de peine et de misère, en fond de grille. Le couteau entre les dents, il entame une remontée « à la Villeneuve » pour finalement terminer dans les points, en cinquième place. Compte-tenu de la piètre qualité de sa monture, c’est un exploit. Un autre…

Le Grand Prix du Canada de 1981 fait partie des courses qui ont bâti la légende de Gilles Villeneuve. Toujours disputée en fin de saison, la course se déroule sous un véritable déluge. Dans ces conditions dantesques, le pilote québécois est à son meilleur et tous les espoirs sont permis. Parti de la 11e position, il entame une remontée, pendant laquelle sa voiture touche la Renault de René Arnoux qui, à son tour, frappe la Ferrari de Didier Pironi. Les deux Français doivent abandonner mais Villeneuve, au grand soulagement de la foule, reste en piste et continue sa remontée : au septième tour, il pointe déjà en 3e place. Puis en 2e….

Son aileron avant, endommagé lors de son contact avec Arnoux, vient cependant compliquer les choses. Il devient de plus en plus croche, au point de devenir perpendiculaire et de se retrouver dans le champ de vision de Villeneuve! Excédé, ce dernier donne des coups de volant pour s’en débarrasser et réussit à le faire tomber. Sous la pluie, sans appui sur les roues avant, cela équivaut à conduire sur de la glace. N’importe quel pilote serait alors rentré aux puits; mais quand on s’appelle Gilles Villeneuve et qu’on a été champion de motoneige, c’est là que le plaisir commence! Non seulement demeure-t-il en piste, mais il réussit à terminer 3e. Une autre page de la légende Villeneuve vient de s’écrire.

1978

1979

1980

1981